comme Haïti
Olivier
20 ans, 1ère bac professionnel

Haïti ne ressemble en rien aux autres îles des Antilles. Première à être colonisée, elle fut, après une histoire particulièrement troublée, la première à conquérir son indépendance. En 1804, Haïti devient la première république nègre à accéder à l'indépendance. Elle s'honore aussi d'avoir été la deuxième république du Nouveau Monde. Presque entièrement peuplée de noirs, au milieu de pays à population blanche, Haïti a conservé intact son caractère africain qui s'allie de façon inattendue à un héritage culturel français.
Etant moi-même d'origine haïtienne par mon père, je me sens concerné par les problèmes d'Haïti. La plus grande partie de ma famille l'a quittée pour s'installer en Floride, en Martinique, en France. Mon arrière-grand-mère, Clémence Clervaux, se maria avec un Français, Jacques Fedorow. De leur union naquirent onze enfants (singularité : sur onze, neuf ont gardé l'apparence noire). Jacques Fedorow sera le seul blanc de la famille.
Trois générations ont passé. Mon père, Romain Fedorow, a épousé une Martiniquaise, Evelyne Gantois. Six enfants voient le jour dont un garçon (moi), et cinq filles. Trois ont la couleur blanche et trois ont la couleur noire. La génétique joue bien des tours...
Aucun membre de ma famille n'a participé aux deux guerres mondiales mais à une guerre dont personne ne parle : la guerre contre la dictature, une guerre entre ceux qui veulent la démocratie et ceux qui préfèrent Duvallier. Celui-ci avait compris que le danger venait des intellectuels. Il les a traqués. Ils étaient condamnés à l'exil dans les pays avoisinants. Le pays déjà en situation critique s'est appauvri de plus en plus, tant sur le plan intellectuel qu'économique. Un de mes oncles a été tué à la suite d'une rafle de la police haïtienne, les "tontons macoutes". Par la suite, Aristide a pris le pouvoir légalement. Il a essayé de restaurer la démocratie. Mais un coup d'état a chassé Aristide du pouvoir. L'armée règne. Tant qu'elle détiendra les rênes, je ne vois pas comment cette dictature pourra être ébranlée.

Ndlr.: Sous la pression conjointe de l'ONU et des Etats-Unis, la junte militaire accepte de rendre le pouvoir au président Jean-Bertrand Aristide qui rentre en Haïti le 15 octobre 1995.