Un jour, mon grand-père m'a raconté l'histoire de ma famille d'Arménie. Il m'a dit comment mes arrière-grands-parents furent mutilés puis massacrés par les Turcs en 1915.
Ils ont dit aux Arméniens que c'était un simple déplacement de population, mais en fait c'était un vrai passeport pour la mort. Mes arrière-grands-parents étaient de ce voyage. Ils ont marché des jours entiers sans manger, ni boire, clans le désert de Syrie. Notre nom de famille était Mélikian. De famille princière, nous étions la première visée par les Turcs. Ils ont éventré mon arrière-grand-mère enceinte. Ils lui ont arraché l'enfant qu'elle portait. Mon arrière-grand-père fut décapité. Les femmes furent violées puis empalées.
J'ai su par mes tantes que mon père m'avait épargné les détails trop sanglants : les Turcs enterraient des Arméniens jusqu'à la tête puis des chevaux leur couraient dessus. Chaque famille regardait ses proches se faire torturer en leur arrachant les ongles, en leur ferrant les pieds, en violant les mères devant leurs enfants.
J'ai vu dans le regard de mes tantes l'émotion et aussi la rage clans celui clé mon père. Il les garderont toute leur vie. La guerre d'Arménie n'est toujours pas finie. Maintenant ce sont les Azéris qui s'y mettent. Je crains le pire car j'ai toujours des cousins en Arménie. Les années ont passé mais j'ai toujours une haine contre les Turcs.
Le parrain de mon père, Soromon Telirian, a assassiné le premier ministre turc Talaat Pacha, le principal responsable du génocide. Réfugié en France, Soromon a été acquitté.
Ce sont mes grands-parents qui ont fui la Turquie. Ils sont d'abord passés par la Grèce, puis sont arrivés en France. Ma mère n'est pas arménienne. Mon père l'est totalement. Mes grands-parents ont eu beaucoup d'enfants (treize), pour reconstituer une grande famille arménienne, et finalement, pour que le peuple arménien survive.